Il y a des instants où tout s'arrêteOù le vent devient un messager, et les akènes de pissenlits — ces petits fruits ailés coiffés de soie -- se détachent un à un, portés par l’invisible. Ils dansent dans l’air, légers, indomptés, comme si l’espace entier les appelait à l’aventure. La plante est anémophile, dit-on -- elle aime le vent. Et moi, je regarde, silencieuse, le cœur soudain vaste devant cette offrande discrète. Il y a des jours comme ça, où l’émerveillement s’infiltre dans les interstices du quotidien : le regard doré de Rajah, mon chat orange, délicieux de douceur, qui m’observe avec l’éternité dans les yeux. Le murmure des feuilles, le frémissement d’un arbre qui écoute le ciel. Et la rivière Saint-François -- parfois vaste et tranquille, parfois fugueuse, libre comme l’enfance. On raconte que des truites brunes y vivent maintenant, venues d’un lac ensemencé quelque part en amont. Il y eut une inondation. Le courant les a portées. Et par un de ces hasards parfaits dont la nature a le secret, le pH de l’eau leur a convenu. Elles sont restées. Elles prospèrent. La rivière est devenue prisée des pêcheurs, qui, eux aussi, répondent à ce mystérieux appel. Et moi, en les imaginant glissant entre les pierres, je sens cette vérité silencieuse : le miracle est là. Toujours là. Si je prends le temps de voir. L'émerveillement comme posture intérieureL’émerveillement, pour moi, n’est pas un état passager. C’est une posture. Un choix de regard. Il y a une manière de se tenir face au monde -- ni dans l’attente, ni dans le repli, mais dans une sorte d’accueil vibrant, comme si chaque instant avait quelque chose à révéler, même dans ce qui semble banal, ou même difficile. Ce n’est pas toujours facile. Le monde nous apprend vite à nous blinder, à nous méfier, à accélérer. Mais moi, j’ai appris — ou plutôt, je suis en train de réapprendre -- à dire oui. Un grand oui, fragile et entier à la fois. Un oui à la vie qui m’échappe. Un oui aux mystères que je ne peux résoudre. Un oui aux imperfections, aux surprises, aux détours. Un oui aussi à vieillir, à habiter ce corps qui se transforme, à traverser les saisons intérieures avec tendresse. Et ce grand oui contient aussi un non -- un non ferme, tranquille, au rétrécissement. Un non à la petitesse, à la peur qui étouffe, à la résignation qui ronge. L’émerveillement n’est pas une fuite. C’est une résistance douce, une fidélité à ce qui est vivant. Il y a une forme d’innocence dans l’émerveillement, mais ce n’est pas une naïveté. C’est une force lucide et tendre qui dit : je suis encore là, je choisis encore de regarder le monde avec des yeux neufs. Et parfois, l’émerveillement me sauve. Il me ramène à moi-même. Il me remet debout, même quand rien n’a changé à l’extérieur -- sauf, peut-être, mon regard. La curiosité, l’ouverture et la tendresse du non-savoir La curiosité, l'ouverture et la tendresse du non-savoirIl y a une manière de regarder le monde sans le posséder. De s’approcher d’un phénomène — un visage, un paysage, un silence, un être cher, notre humanité partagée -- sans chercher à le saisir ni à le définir. Juste… l’approcher, comme on tendrait la main à une luciole dans la nuit. Cette manière, je la reconnais aujourd’hui comme une forme de curiosité sacrée. Une curiosité qui ne cherche pas à remplir un vide, mais à s’incliner devant le mystère.
La curiosité est un acte de courage. Dans un monde qui valorise la maîtrise et les réponses rapides, oser ne pas savoir, oser s’ouvrir à ce qui vient sans armure, c’est déjà un geste révolutionnaire. Je veux vivre ainsi. Les yeux grands ouverts, le cœur un peu tremblant, mais disponible à l’étrangeté du monde. L’émerveillement me pousse à rester curieuse. À accueillir les détours, les rencontres improbables, à ne pas fermer la porte trop vite. C’est aussi un art d’aimer. Aimer ce que je ne contrôle pas. Aimer ce qui n’entre pas dans mes plans. Aimer ce qui m’étonne, me dérange parfois, me transforme toujours. Dans cet espace, l’inconnu devient un terrain d’intimité. Je ne m’y perds pas : je m’y découvre. La créativité: une vie amplifiée par l'émerveillementUne vie créative n’est pas réservée aux artistes. C’est une manière d’habiter le monde avec plus de souffle, plus de sensation, plus de présence. L’émerveillement me mène là, tout naturellement. Lorsque je m’ouvre vraiment à ce qui est -- à la lumière du matin sur la table, au chant d’un inconnu dans la rue, à une phrase surgie dans mon cœur sans prévenir -- quelque chose veut naître. Créer, c’est dire : j’ai vu, j’ai senti, j’ai été traversée, et voici ma réponse. Parfois, ce sont des phrases griffonnées dans mes journaux, dans l’intimité d’un matin ou d’un soir. La plume glisse sur le papier, et mes encres — scabiosa, bleu de prusse, sépia — deviennent des compagnes. Chaque teinte, chaque geste, est un dialogue. Un rituel. Créer, ce n’est pas performer. Ce n’est pas impressionner. C’est partager un lien avec le mystère. Et pourtant, il m’arrive encore d’hésiter. Par peur d’être jugée, mal comprise, ou simplement “pas assez bonne”. Et encore pire, ignorée. La peur du regard de l’autre plane souvent au seuil de l’acte créatif. Mais je découvre, peu à peu, que cette peur peut être traversée si je reste fidèle à ce qui m’émerveille. Ce que je crée n’a pas besoin d’être parfait. Il a seulement besoin d’être vrai. Offert depuis un lieu vivant en moi. Et dans cet espace, je m’aperçois que la création est une réponse d’amour. Un acte d’intimité avec le monde. Un prolongement de ce grand oui dont je parlais plus tôt. Quand je crée, même en silence, ma vie devient plus vaste, plus colorée, plus amplifiée. L'audace d'être vue: |
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Les égéries de MaJe suis Marise, et je partage ici avec vous ce qui m'inspire à une présence pleine de bien-être Archives
Juin 2025
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